RENCONTRE AVEC MELAN

À l’occasion de son passage à Paris pour un concert au New MorningArtichaut Records a eu le plaisir de rencontrer Melan. Ce jeune rappeur, à peine descendu de la scène qu’il a partagé avec Dj Djel et Dj Hesa, a répondu à nos questions, accompagné de son manager et ami.

 

Hello Melan, peux-tu te présenter pour nos lecteurs qui ne te connaitraient pas ?

Je n’aime pas trop faire ça … Mais brièvement : je m’appelle Manel, je suis né dans les Yvelines en banlieue parisienne et je suis descendu dans le Sud à l’âge de 13 ans. Du coup, cela fait presque la moitié  de ma vie que je suis à Toulouse. Je rappe en indépendant avec mon groupe Omerta Musik.

 

Qu’est-ce qu’Omerta Musik ?

Omerta Musik c’est un groupe qui compte 11 membres, uniquement des mecs.  Rends-toi compte (rires). Personnellement, je n’y suis pas depuis le début. Ça fait 8 ans que la structure existe mais à l’origine le seul rappeur était Capdem accompagné de trois beatmakers : DiazEnro et Djé.

On est tous de la même ville, ce qui est pratique pour travailler, mais aujourd’hui chacun évolue un peu de son côté, a un peu commencé à faire sa vie même s’il n’y a jamais eu de vrai conflit.

Le groupe a évolué, mais il existe toujours. Même s’il faut composer avec la vie de chacun, avec le recul je me dis qu’on n’a pas eu tant de problèmes que ça pour un groupe de 11 gars. Jamais rien de grave.

 

Est-ce qu’aujourd’hui, tu vis grâce au rap ?

Je peux. Si je veux vivre une vie de débauche, une vie de bohème, oui je peux. Mais c’est sûr que je ne gagne pas de quoi nourrir une famille uniquement par le rap.

 

Je vois … Mais à terme, c’est ce que tu souhaiterais ?

Non. Enfin, je ne fais pas du rap pour me dire qu’il faut que ça rapporte des thunes et que je puisse en vivre. Si ça arrive, tant mieux je ne vais pas cracher dans la soupe. Mais ce n’est clairement pas une motivation pour moi.

 

Beaucoup de rappeurs du Sud de la France émergent en ce moment (on peut citer Demi PortionLa ClassicBastard Prod, entre autres)…

J’ajouterai Bigflo & Oli aussi. Deux mecs qui pour le coup ont vraiment bien réussi et revendiquent leur appartenance toulousaine donc c’est plutôt cool.

 

…du coup, comment tu expliques cela ? Penses-tu qu’il existe une vraie différence entre le rap parisien qui est peut-être un peu autocentré et le « rap de province » ?

Tu l’as dit toi-même. Et en tant que parisienne, tu dois le savoir mieux que moi : le rap de Paris est un peu autocentré. Moi je n’y suis pas donc je n’ai pas vraiment d’avis là-dessus.

Moi, en tant qu’auditeur, j’ai la capacité d’écouter des sons d’un peu partout. Je pense que là est la vraie différence. Dans une capitale, il y a déjà en quelque sorte toute la France. Il se passe tellement de choses, il existe tellement d’open mic, de mecs qui bouffent le micro tous les jours que tu n’as presque plus le temps d’écouter ce qu’il se passe ailleurs. Tu as déjà de quoi faire autour de toi.

Il y a d’autres villes comme Séte par exemple, puisque tu parlais de Demi Portion, où l’offre est beaucoup plus mince. Du coup, dès que tu t’acharnes un peu, tu travailles beaucoup, tu vas mettre sûrement plus de temps à te faire remarquer et à éclore mais quand ça fonctionne ça déchire !

Pour sortir un format « maison de disque », pas besoin de savoir d’où tu viens. On te mettra pas en avant par rapport à ça. Dans le rap indépendant par contre, on revendique toujours d’où tu viens.

 

Moi, je pense que tout est une histoire d’époque. Aujourd’hui, tu peux t’apercevoir qu’il y a des choses totalement différentes. Tu vois ce soir, en concert avec nous il y avait Djel. Quand tu prends le travail de la Fonky Family et au même moment ce qu’il se passait à Paris, ça n’a rien à voir. À l’époque, il y avait une vraie singularité en fonction d’où tu viens.

Aujourd’hui, tout est un peu lissé, beaucoup font du rap pour percer. Même si à l’époque beaucoup on finit en major, c’était pas la même démarche. Aujourd’hui les mômes regardent ce qui marche et vont chercher à faire la même chose. Grâce à Internet, t’es connu beaucoup plus vite. T’as plus à acheter les cassettes, à te déplacer, à te casser la tête pour découvrir des sons.

Plein de gars avec qui je bosse quand ils étaient jeunes, montaient à Paris une fois par mois pour partir chercher les musiques, découvrir. Aujourd’hui, de Toulouse à Paris tu peux trouver des rappeurs qui font la même chose. Mise à part l’accent, l’écriture et les instrus vont sonner pareil.

 

Tout va tellement vite maintenant. Dans un atelier d’écriture, un jeune de 12 ans arrive à te pondre un vrai truc. Moi au début, j’écoutais Rocca ou AKH, je comprenais même pas comment les mecs réussissaient à avoir une telle plume. C’était plus compliqué de se forger soi-même. J’ai écrit pour écrire et ça a mis vachement de temps pour apprendre à rapper, comprendre les bases. J’écrivais même  pas pour rapper d’ailleurs, juste pour me soulager, c’est comme ça que je vois cet art. Le faire dans l’autre sens, ça dénaturerai un peu le truc je pense.

 

J’apparente un peu ton travail à celui de Nedoua, dans le sens où vous êtes des gars qui ont plutôt une voix cassée, un timbre particulier et un univers assez rock/punk. Pourquoi t’être tourné vers le hip-hop ?

C’est chouette de citer Nedoua, c’est un copain !

Ben déjà, les trois quarts des groupes de musique rock ou punk écrivent en anglais. Moi, j’aime les textes en français. Ça me parle beaucoup plus directement. Les morceaux qui me touchent le plus sont des textes de rap. Même si je comprends l’anglais, ça ne va pas me toucher de la même manière. Je vais vivre le métal et le rock autrement, ça me défoule. Tu vois par exemple quand je suis un petit peu énervé, je me mets un gros coup de System of a down, ça crie bien ! Dans ces moments-là en effet j’ai pas envie d’écouter du rap qui va me prendre la tête.

Avec Nedoua on a écouté énormément de styles de musique différents. On se retrouve aujourd’hui justement car on a écouté les mêmes choses avant, même si elles n’ont pas de rapport avec le rap.

 

Tu penses que c’est justement cette ouverture d’esprit qui te caractérise ? Au niveau de ton écriture ou même de la composition des instrumentales, je trouve qu’il y a une vraie singularité. Tu n’es pas inspiré uniquement par le hip-hop.

Sincèrement, je pense qu’en 2017, les gens s’influencent tous les uns les autres. En 1995 par exemple, chaque ville avait son univers. Aujourd’hui, c’est vrai que beaucoup de rappeurs se ressemblent. Dès que tu cries, ça va ressembler à quelqu’un, pareil dès que tu chantes. Je pense qu’on ne peut pas dire que l’on ne s’inspire jamais de personne. Mais après ce n’est pas une raison pour systématiquement comparer les rappeurs entre eux.

Est-ce que justement, c’est quelque chose qui t’embête en tant que rappeur ? Le fait d’être comparé ?

Plus jeune, oui ça m’énervait qu’on me compare, qu’on me dise que ce que je fais ressemble à tel ou tel autre rappeur. Franchement aujourd’hui, j’en ai rien à foutre. Même si deux artistes vont se ressembler, il y a toujours une différence dans le fond : dans la plume, dans la technique, dans les instrus etc.

 

Tu es dans une veine plutôt traditionnelle du hip-hop, dans le « boom bap ». Du coup, que penses-tu de la trap ? Est-ce que tu en écoutes, tu aimes, tu ne t’interdis pas d’essayer un jour ?

J’ai mis beaucoup de temps à écouter de la trap, je l’avoue. Après moi, même si ce n’est pas forcément sorti, j’ai toujours fait des trucs chelou. Sur tous mes albums, j’ai des sons différents : un coup je fais du classique, un coup du moderne, un coup je rappe en espagnol…. Sur le prochain projet y a des trucs beaucoup plus lents. Ça peut ressembler à de la trap c’est vrai, mais il y a un vrai travail de production. Ce sont des samples, de la batterie, on n’est pas dans du commercial. C’est vrai que le rythme est plus lent, mais c’est pas de la trap, c’est juste chelou (rires).

 

Les instrus justement, comment les composes-tu ?

Les trois quart des prods que j’ai faites sont « souris/clavier », samplé, très découpé ce qui peut paraitre comme de la MPC. Ces derniers temps je me mets vraiment au synthé par-dessus pour mélanger le sample et la composition. On m’a prêté une MPD (contrôleur qui s’utilise avec un logiciel d’ordinateur NDLR)  donc je commence à travailler dessus.

 

Et  quand tu vois un mec comme Lacraps par exemple, qui se lance dans la trap sans pour autant négliger le texte, et utilise cette « modernité » pour diffuser des paroles intéressantes. Tu en penses quoi ?

C’est marrant, c’est la deuxième fois de la journée qu’on nous dit ça !

Il faut se diversifier. Ali n’a pas fait ça pour rien, il se fait plaisir, il teste de nouvelles choses, et du coup ça fait plaisir ! Il trouve des flows, des vibes, des gimmicks différents et c’est bien. Ce sont des choses qu’il n’aurait pas pu trouver en continuant à faire toujours les mêmes choses sur du boom bap. Il évolue et se diversifie. Vraiment, ça tue.

 

Tu écoutes un peu les nouveautés ? Si tu rentres dans ta voiture et que tu tombes sur NRJ, tu apprécies ou tes oreilles saignent ?

Franchement ça dépend. Ça peut m’arriver d’écouter Rires & Chansons sur l’autoroute parce que j’ai 5 heures de route à faire et ils vont me mettre des trucs qui vont me vider la tête, et ça ne me dérange pas, je laisse. Par contre, d’autres fois j’ai pas envie d’écouter ça, je zappe et on  peut tomber sur des trucs intéressants. Par exemple, tu tombes sur Ed Sheeran, je l’écouterai pas tous les jours car ça me prend la tête, mais si tu écoutes un peu tu peux y voir un truc différent. C’est pas pour rien qu’il tourne autant mine de rien. Le mec sait chanter, y‘a pas de vocodeur, c’est nouveau. Il fait une vraie performance. Par contre, je l’écoute pas 100 fois d’affilée, une suffit. Mais je suis quand même plutôt ouvert de base.

 

Du coup, quelle est ton actualité chaude ? Quels sont les projets à venir ?

Mon deuxième album va sortir bientôt. Il est finit, il part en mixage. Ça ne devrait pas trop tarder. Après on continue à se produire un peu partout : le 24 juin on joue à Montlauzun au Festenal de Liure, le 1er juillet on sera à Nantes dans un festival dédié à la lutte contre le cancer.

Sinon, le 25 juin, on a une projection à Paris du court-métrage « J’mange froid » dans lequel je joue avec Abrazif et Selas. Il sera diffusé à la rentrée sur Canal+.

 

Un mot pour la fin ?

« La morbiflette c’est morfondu ! »

Comprendra qui pourra .. Quoi qu’il en soit, en attendant son nouvel opus, on ne peut que vous conseiller de vous procurer Vagabond de la rime 3 de Melan. Et de courir le voir en concert près de chez vous.

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