Limsa – Logique pt.2

2020 l’année de Limsa ? Après une année 2018 presque faste – avec 3 morceaux, une gageure pour un artiste dont le nom ne rime pas avec productivité – Salim s’était fait oublier en 2019, pour mieux revenir cette année, avec une profusion d’actualité, en tout cas pour un rappeur aussi discret que lui. Le 24 mars sortait la première pierre de l’édifice, avec ce Grünt spécialement consacré à lui, qui s’est notamment fait connaître grâce aux freestyles de la bande de Jean Morel. Après ce passage, pensé comme un retour, a suivi la première partie de Logique le 3 juillet. Elaboré en deux partie, cet EP sert de carte de visite à un rappeur qui semble décidé à prendre sa carrière en main. Après cette excellente première partie, Limsa revient en force ce 4 décembre, jour de son anniversaire, pour poser la dernière partie de sa rampe de lancement.

A la première écoute le travail de cohérence apparaît comme une évidence, tant la deuxième partie de Logique tient son statut de suite, de complément tout en offrant des similarités avec le premier volet. L’EP servant bien souvent de carte de visite, Limsa a tout simplement décidé de se livrer pleinement sur ces dix titres. Dans Logique part.1 il proposait ses doutes, et ses réflexions sur le monde qui l’entoure, et cela continue dans ce deuxième opus, façon journal intime. Son écriture si caractéristique, pleine de traits d’ironie, fait que, s’il écrit avec une sincérité non feinte, il évite l’écueil de textes entièrement à prendre au premier degré. Ainsi, s’il se dégage une nostalgie de l’ensemble, les petites phrases quasiment « méta », remplies d’auto-dérision, ainsi que le featuring avec JeanJass, toujours là pour amuser la galerie, empêchent de sombrer dans le pathos.

 

Subversion des thèmes

Être là où on ne l’attend pas, ça pourrait être le credo du rappeur Aulnaysien. Faire des pas de côté par rapport à des identités multiples semble être une exigence pour Limsa. Ainsi s’il parle de lui comme un « p’tit jeune de banlieue », qui tente de se frayer un chemin, on est loin des poncifs attendus sur le thème. ASB est d’ailleurs un bijou de délicatesse ; sur une thématique vieille comme le monde, celle de sa ville natale, Limsa, en la personnifiant, nous offre sa déclaration d’amour :

« Tes tours qu’est-ce qu’elles étaient grandes, tes tours qu’est-ce qu’elles étaient belles »

 

 

L’autre tentative de la part de Limsa, salutaire semble-t-il sur cet EP, tout comme sur celui précédent, réside dans la déconstruction d’une certaine forme de masculinité. Si le sujet n’est jamais abordé de manière thématique, il revient par touche, comme sur les premières rimes de Seul Two, premier des cinq titres :

« Avec ma mère, ça a toujours été froid donc avec les meufs j’ai pas toujours été droit,
C’était sois belle et tais-toi J’les fais sucer j’les tédoi,
Puis j’ai compris qu’le problème hé qu’la pute c’était moi »

 

 

Ou encore sur Starting Block, avec un Isha comme un poisson dans l’eau :

  

 

Toute cette déconstruction apparaît en apothéose dans le dernier titre, Le p’tit Limsa, sorte d’anti-égotrip, d’un gamin qui croit faire comme ses idoles footbalistique, alors « qu’il était tout guez ». Limsa préfère le terme de « subversion », comme il l’expliquait à Backpackerz :

 

J’essaie d’inclure cette subversion dans mes propos. Je ne te dis pas que tout le monde bicrave au quartier, ni que tout le monde est gentil je te dis juste que c’est comme ça. Le rap c’est souvent une histoire de posture avec la rappeuse féministe, le rappeur qui bicrave des tonnes, celui qui gobe des pilules… Tu as très peu de rappeurs qui sont eux-même. Je rap comme je vois la vie: avec des nuances.      

   

Subversion du flow

Cet éloge du pas de côté se retrouve également dans le flow de Salim, adaptable à toute forme d’instru, mais qui garde quelque chose de rétro, que ce soit sur du boom bap ou des instru plus modernes, peut-être un héritage de ses multiples freestyles.

Techniquement le bonhomme est irréprochable et l’emploi des sonorités le classe immédiatement dans la catégorie « rappeur technique » à la Alpha Wann, mais le tout avec un petit supplément d’âme dans l’interprétation (en cela il rappellerait bien Infinit qui rend sa prestation encore plus pertinente.


L’introduction de l’EP, avec le sample de la voix de Cassidy dans Presque plus de larme, nous apparaît comme un hommage, aux “rappeurs techniques à trois couplets” (pour citer Ben PLG) et à une époque. Pour autant Limsa réussi le pari de ne jamais sombrer, notamment musicalement, dans une nostalgie complaisante, grâce à une multiplicité d’instru présentes sur l’EP.

 

Conçu pour durer

Avec ces deux Logique extrêmement travaillés, et réussis, le rappeur Aulnaysien semble vouloir faire décoller sa carrière, et se donne en tout cas les moyens pour. On espère franchement le voir aller loin, pour ne plus se contenter de medleys de freestyle chinés sur Youtube.

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