Du beau Rouquin coule dans leurs veines

Ça faisait un certain temps que je suivais Rouquin, composé d’Antonin, Del Bosque et Jean Baptiste, anciennement Unsalenoir, déniché au détour d’un bilan de l’Abcdr du son en 2014.
En octobe les boug’ sortaient un EP extrêmement travaillé, que je m’empressais de chroniquer. Mais le mystère restait (quasi) entier, et je profitais alors du passage de deux des trois compères à Paris – pour la 1ère partie de Doppelgangaz – pour approfondir leurs parcours, leurs influences, les thèmes qu’ils abordaient.

Nous nous sommes donc parlé pendant une belle heure, autour d’une bière à la Manufacture 111, et avons évoqué pêle-mêle le concept de rap progressif, le milieu hip hop en Normandie ou encore l’ironie du monde actuel. Retour sur cette discussion à bâton rompus.

Artichaut Records : Bonjour, déjà pour commencer est-ce que vous pourriez vous présenter ?

J-B : Nous c’est Rouquin, moi c’est Jean-Baptiste

A : Moi c’est Antonin Martaud

J-B : Notre troisième acolyte c’est Del Bosque, qui n’est pas là aujourd’hui

A : Avec qui on bosse sur tout ce qui est prods. Après c’est beaucoup Jean-Baptiste qui travaille sur les textes, on bosse un peu plus récemment sur les textes ensemble, mais nous c’est surtout les prods.

AR : Vous vous êtes formés il y a combien de temps ?

sA : On s’est formé il y a à peu près un an et demi, fin 2017, on se connaît depuis 10 ans.

J-B. : Ils m’ont aidé sur mon premier projet solo, Mouton pas content, puis après à partir de ce moment là on a commencé à vraiment travailler des trucs ensemble. L’idée du groupe elle est venue naturellement, ça fonctionnait bien. On a réussi à trouver une couleur, et de là est né le groupe Rouquin.

A : On a tous un côté différent, c’est vrai que j’ai toujours écouté du rap, mais j’ai un côté un peu punk/rock, et puis Jean-Bapt’ il a un côté un peu plus jazz/blues et du coup ça se mélange bien.

AR : Jean-Baptiste, je te connaissais avant, sous le nom de Unsalenoir, et du coup j’ai pas compris ce qu’il en était de ce blaze.

J-B : Oui, c’était une expérience euh… d’un coup pour un projet, puis c’est une putain de belle expérience, j’oublierai jamais Unsalenoir, mais y’a un moment ou fallait que je l’enterre. J’ai un certain âge, c’était relou d’avoir un nom de scène… J’ai pris mon prénom tout simplement. Puis je voulais faire de la musique longtemps, je me suis dit, avec Unsalenoir, au bout d’un moment j’avais du mal à trouver des concerts, j’ai beaucoup galéré avec ce nom de scène là, donc je me suis dit, à un moment, on va le laisser mourir et puis J-B va reprendre le dessus.

AR : Ok, ça se comprend. Et, puisqu’on en est au point pseudonyme, pourquoi Rouquin ?

A : Alors Rouquin c’est parce que l’idée est née autour d’une bouteille de pinard et que on a trouvé que ça pouvait faire penser aussi au sang.

J-B : On va dire l’universalité. Tu vois avec Anto, la seule chose qu’on a en commun vraiment c’est qu’on a du rouquin dans les veines, on a du pinard qui coule dans nos veines et qui nous fait vivre tous les jours, on a cette pompe à pinard, c’est incroyable. C’est autour du sang, du vin, l’amitié, l’universalité, quelque chose de vivant tu vois.

A : Et puis aussi ce côté rouquin avec le vin qui colle, dans les bars, tu vois ? (Rires).

Rouquin, Le Meilleur des Mondes

AR : Et c’est un projet qui a été pensé sur du long terme, au-delà de votre premier EP ?

J-B : Ha ben oui, complètement, tu vois on a trouvé cette appellation, rap progressif. Et ben on veut vraiment pousser ça jusqu’au bout, progresser au maximum, ramener des morceaux complètement différents de ce qu’on peut entendre en rap aujourd’hui.

AR : D’ailleurs cette démarche elle s’entend beaucoup, au niveau des sonorités, de la déconstruction dans votre EP, on se dit « c’est du rap, mais en même temps pas tout à fait », et du coup je me demandais comment vous aviez opéré, que ce soit au niveau de la composition ou de l’écriture ?

A : On travaille souvent ensemble, je vais lui faire une prod, et si ça lui plait…

J-B : On va dire qu’il n’y a pas de hasard, y’a des morceaux que j’avais écrit de mon côté, il [Antonin] me sort la prod, le morceau il se cale parfaitement. On a cette symbiose et ça marche à mort, vraiment.

A : On traine ensemble depuis un moment, j’ai pas mal étudié ses sons, j’ai commencé à faire du son grâce à Jean-Baptiste en fait, je le regardais faire des prods chez lui et ça m’a donné envie de bosser et finalement on s’était bien trouvés. Après c’était cool d’avoir un côté théâtral sur scène, un truc qui change un peu, ramener un masque, que j’ai fait avec du papier mâché, que j’ai teinté avec du vin rouge, justement (rire).

J-B : Ouais c’est exactement ça, c’est avec des tâches de pinard séché (rires).

A : Et c’est bien, je trouve qu’il y a une interactivité différente, entre Jean-Baptiste, qui a une bonne expérience de la scène, et qui déboite bien à sa manière tout seul, et d’amener un petit truc autour, un mec qui fait les backs. Il a toujours eu des mecs qui faisaient les backs avec lui, des potos ou des mecs qu’il connaissait. Le fait d’avoir vraiment un backer pour toutes les scènes, masqué, avec une petite ambiance, ça amène quelque chose de nouveau et c’est plutôt chouette.

AR : Et toi, Antonin, du coup tu dis que tu as des influences punks, tu étais dans un groupe avant ?

A : Non j’étais pas dans un groupe, j’ai bossé un peu tout seul, en regardant Jean Bapt aussi pas mal, ça s’est créé dans un mélange parce que j’écoutais beaucoup de hip hop quand j’étais gamin aussi, après je m’en suis détaché vers la vingtaine, et j’ai écouté d’autres trucs mais c’est ce qui a fait ma formation aussi, ça m’a donné envie de faire des mélanges, je trouve qu’il y a des bonnes choses qui marchent entre le punk/rock, le rap, ça se mélange bien et ça se fait, mais aujourd’hui ça se fait plus tant, on trouve beaucoup plus de sonorités un peu, des trucs dansants.

J-B : Rumba congolaise, ce genre de trucs, c’est vraiment d’autres rythmiques. Il a ramené une couleur, que moi j’avais pas au départ, moi j’étais très électro.

AR : Mais y’a quelque chose de brutal qu’on retrouve déjà dans Pourriture Noble quand même.

J-B : Ouai c’est vrai, après j’ai toujours été piqué par tous les styles de musique, j’ai vu l’arrivée du rap, je l’ai vécue enfant, mais on écoutait de la musique avant ça quoi, on a pris le rock dans la gueule, on a pris le reggae dans la gueule, on a pris plein d’autres trucs styles de musique dans la gueule, avant de prendre le rap. Ce mélange là je pense que je l’ai toujours eu. Après lui il a ramené une sonorité, ce qu’on appelle nous « rap progressif », c’est assez fou quoi. On a des trucs c’est proche de… je sais pas, il compose des trucs y’a des nappes, c’est de la grosse pression, waouh. Moi c’est ce que j’aime beaucoup, les sons un peu dark, les trucs qui t’embarquent quoi.

A : On a ce côté dark un peu. C’est un peu une bulle.


AR : Ça s’écoute pas trop par ce temps d’ailleurs [il faisait très beau ce samedi]

A : C’est vrai que c’est plus un projet d’hiver

J-B : On a pas de soleil tu sais en Normandie. Y’a moins de soleil dans notre musique, je pense que ça se ressent quoi. Je veux dire… le temps gris normand il se ressent.

AR : Et du coup vous avez grandi là-bas ?

A et J-B : Ouais.

J-B : Moi je suis né et j’ai grandi là-bas.

AR : Je me demandais si ça avait joué sur votre manière de pratiquer la musique, est-ce que c’est plus compliqué de faire du rap quand on est en Normandie ?

J-B : Oh ben non, pas forcément, moi j’ai commencé en 94, 93-94, y’avait pas de frontières. Tu pouvais être parisien, tu pouvais être marseillais tu pouvais être de partout. Même le mec qui vient du fin fond de la campagne il peut faire du rap. C’est donné à tout le monde, j’ai pas senti tant de difficultés…

A : C’est vrai qu’aujourd’hui ça tourne plus autour de Paris

J-B : C’est un peu aujourd’hui que c’est difficile. Quand t’as un projet et que t’es un artiste normand et que tu veux te faire entendre sur Paris c’est pas simple quoi. Bon on nous a invité aujourd’hui c’est super cool. Mais on a pas souvent des dates.

AR : Et vous démarchez comment du coup ?

J-B : Par internet, par nous-même, pas mal de difficulté, rarement des réponses.

AR : Mais vous avez fait Buzz Booster quand même

J-B : Super bonne expérience, on a été finalistes régionaux, on est pas partis ensuite pour la finale, mais c’était cool ! Peut-être qu’après on ne correspondait pas forcément aux trucs recherchés. C’est vraiment de la musique urbaine et je pense que nous on essaie de se détacher de ça.

A : Ouais c’est beaucoup de rap nouveau, de la trap. Mais après je trouve que le public havrais était super réceptif, il y avait beaucoup de jeunes, personne n’a quitté la salle pour aucun artiste, c’était blindé à chaque fois et franchement c’était chouette. C’était une très bonne expérience ouai, on a été bien accueilli, ça s’est bien passé, c’était cool. On a fait le 106 aussi il y a 15 jours

J-B : C’est la SMAC qu’on a à Rouen, y’a deux salles, une 450 personnes et une 1100 personnes c’est une bonne salle. Puis y’a pas mal de… le mouvement hip hop chez nous il est encore vivant. Quand y’a ce genre d’événement y’a du monde. Le dernier concert c’était impressionnant de voir autant de monde. Sachant que c’est un concert qui commence à 18h30 et qui finit à 21h30, et la salle était quasi-pleine. Un soir de ligue des champions en plus (rires)

A : Ouais ils ont des créneaux un peu particuliers mais y’avait quasiment 400 personnes, c’était mortel.

AR : Comme je te disais, Jean-Baptiste, t’es assez mystérieux et difficile à suivre, tu n’as pas une exposition médiatique…

J-B : Ça fait plaisir de voir des médias qui s’intéressent à ce qu’on fait, vraiment.

AR : Comment ça s’est fait la connexion avec Joe Lucazz ?

J-B : Ha ouais, wow. On se connaissait déjà, et c’est lui qui m’a proposé, c’est lui qui m’a invité sur le morceau. J’avais enregistré avec Char je crois, si je me trompe pas, il y a quelques années. Le morceau tardait à sortir mais on se connaissait déjà, il m’a proposé d’en refaire un autre, un morceau plus frais, plus élaboré, plus travaillé. Après peut-être que ça se ressent, faut qu’on prenne le temps de le faire. Parce que c’est pas simple un featuring, c’est peut-être… c’est le seul mec avec qui j’ai fait un morceau, chez les Parisiens on va dire. Après c’est pas simple, trouver un morceau, une cohérence dans tout ça, c’est compliqué. Mais bonne expérience, c’est un chouette mec Joe.

AR : Pour passer sur la question de l’écriture, parce que tu as une écriture super dense, on doit s’y reprendre à plusieurs fois pour arriver à saisir l’ensemble. On a l’impression qu’il y a une vraie cohérence qui a été pensée dans la globalité de l’EP. Comment t’as pensé cet EP, en termes d’écriture ?

J-B : Comme je te dis, y’a pas de hasard, franchement j’écris au pif, je me fixe pas de thème, de ligne conductrice, je pars vraiment au petit bonheur la chance, quand ça vient, et puis il s’est fait que les morceaux s’accordaient bien les uns les autres (rires). Mais c’était pas une idée volontaire de faire ça quoi, vraiment. Après y’a beaucoup de morceaux qui sont pas sur cet EP, mais on a le projet d’en sortir un autre, si possible avant cet été on va dire.

AR : Sur un format EP aussi ?

A : Ouai, peut-être un peu plus court. 5-6 morceaux.

J-B : Puis on a dans la tête un projet d’album. On a pas mal de morceaux en stock, on a des morceaux qu’on bosse ensemble, monsieur Martaud va frapper la prod (rires).

AR : Du coup Antonin tu écris aussi ?

A : Oui j’écris aussi, en ce moment, j’ai jamais été trop derrière le micro, j’ai commencé à enregistrer un morceau il y a à peine un an. C’était une bonne expérience, mais du coup c’est bien que je puisse m’entraîner, que je puisse développer mon truc parce que c‘est pas facile. Et pareil, c’est des thèmes assez dépressifs sur certains points donc c’est pas facile à caler. C’est pas facile de se livrer (sourire).

J-B : Mais le monsieur a une sacrée plume hein. Pfiou… Les gens qui vont nous voir sur scène, ils vont le découvrir masqué et puis au fur et à mesure il va se libérer et les gens vont voir quoi. J’pense que bon, on a des morceaux en stock, y’a moyen de balancer quelques inédits. Ben ce soir on va jouer 2-3 morceaux qui sont pas sur le projet d’ailleurs, comme on a un timing assez cool tu vois.

AR : Et J-B Pour revenir dans ta manière d’écrire je trouve que tu as une écriture très automatique si je puis dire, comme une sorte de logorrhée. Tu écris tes morceaux d’une traite, ou c’est des bouts d’assemblage que tu fais ?

J-B : Ça dépend des morceaux. Si on prend Maux Monnaie j’ai dû l’écrire en une petite heure, d’un coup, après je reviens pas dessus. Quand je reviens sur les textes c’est pour corriger les fautes d’orthographe (rires). Sinon je reviens pas vraiment dessus, c’est écrit c’est écrit, allez hop ! Je le garde, tant qu’il me plait je le rappe, puis si un jour je le sens moins j’vais me forcer à l’oublier. J’ai beaucoup de chansons que je me suis forcé à oublier. D’autres que je regrette d’avoir oublié (rires). C’est monstrueux mais j’écris souvent quoi, quand ça vient mais ça vient souvent. Y’a des morceaux ils arrivent en un pavé et puis ils bougent plus, et puis y’en a d’autres c’est beaucoup plus long. Socialement on l’a écrit d’une traite, en une nuit, prod à l’appui tout ça.

A : Un morceau de sept minutes.

J-B : On a un morceau de sept minutes, bien copieux, super joyeux, la pluie et le froid (rires).

AR : Tu fais aussi beaucoup de références aux films, c’est un truc qui revient souvent, t’es cinéphile ?

J-B : Ouai j’aime beaucoup le cinéma, j’aime beaucoup le bon cinéma. Après ouai, y’a des références. Un morceau comme En blanc et noir par exemple, c’est du Audiard, du début à la fin. Je sais plus comment ça m’est venu cette idée, mais j’ai pris les titres, je suis parti dessus. Tu sais Un singe en hiver c’est mon film préféré c’est incroyable, avec Gabin et Belmondo, c’est un film qui m’a fait vibrer. Ils ont tourné ça en Normandie, à Villerville ! Tigreville dans le film si je ne me trompe pas.

AR : Et du coup le clip du Meilleur des mondes c’est toi qui l’as réalisé ?

J-B : Bah je l’ai fait avec une pote, Antonine, avec qui on a tourné, on a monté ensemble.

A : Elle bosse beaucoup sur la photo

J-B : C’est vraiment amateur, c’est fait par nous, pour nous, c’est pour le plaisir.

A : Ouai, en plus on a des connexions, c’est pas toujours facile de s’arranger, on a un pote aussi qui bosse en argentique et en Super 8 et on aimerait bien faire un truc avec lui, mais bon faut essayer de choper les occas’ qui se présentent, on a pas non plus tellement de moyens.

J-B : C’est difficile de te développer quand il y a personne, nous y’a pas vraiment de structures, qui produisent du rap ou qui cherchent à produire du rap par chez nous. On va dire y’a Din Records, après c’est le seul quoi, et c’est au Havre.

A : Ils sont plus rock, punk dans le coin. Y’a pas mal d’artistes rap à Rouen, mais ça a du mal à décoller quand même pour pas mal de monde, alors que y’a pas mal de choses assez chouettes qui se font, y’a des jams qui se font, plein de trucs.

J-B : Après y’a des sacrés bons exemples de réussite artistique dans notre coin, y’a Petit Biscuit, y’a Rilès, et un gars de chez nous que j’aime beaucoup, Keezy, qui est beatmaker à la base, il a fait Friday de Booba et il se lance sur sa carrière solo en tant que rappeur. Super bon, il avait du talent à 15-16 ans et il en aura toujours.

AR : Et y’a pas une volonté de s’unir collectivement justement pour essayer d’avancer ?

A : On en a discuté des fois, mais c’est pas facile de se retrouver, même sur les thèmes que les mecs apportent aussi. On a pas forcément nous aussi envie de se mélanger, parce que c’est vrai qu’on a des thèmes un peu plus particuliers, comme on essaie de sortir du côté hip hop un peu refrain/couplet…

J-B : Formaté

A : Formaté ouais, on essaie de tenter des trucs un peu différents ce qui fait que c’est pas forcément facile non plus de bosser avec d’autres personnes qui font du rap qui est très bien aussi mais d’autres qui se dirigent vers la trap ou d’autres qui se dirigent vers des trucs un peu plus classiques et c’est pas forcément facile de s’allier.

J-B : Après y’a pas mal de collectifs par chez nous, qui bougent quand même. Mais c‘est compliqué de mélanger les couleurs. C’est comme je te disais, faire un morceau avec quelqu’un c’est difficile, trouver un thème, une approche, pas trop en écrire pour laisser la place à l’autre, c’est difficile. J’avais eu en projet, ben le morceau Le meilleur des mondes au départ j’avais écrit un couplet pour un morceau ou j’avais invité Tiers Monde. Mais bon on a rigolé quoi parce que mon texte est trop chiant à suivre, tu peux pas suivre un texte comme ça, un mec il arrive avec un couplet comme ça il me le met dans la gueule, qu’est-ce que je vais raconter après toi. Y’a un truc super chiant à trouver une cohésion, un truc. T’as raconté tout ce que t’avais à raconter, le mec derrière toi faut qu’il trouve les trucs à dire, et là c’est relou quoi. Mais j’espère pouvoir un jour faire une chanson avec lui. J’apprécie beaucoup ce mec, j’aime bien ce qu’il fait, on va trouver la minute et le moment pour faire ça.

AR : Un artiste avec lequel je fais le rapprochement aussi, mais on a du te le dire, c’est Virus aussi, notamment sur la question de la folie. Virus en a fait une vraie thématique, mais toi aussi tu en parles, par touches.

J-B : Ça c’est la Normandie (rire), on se connaît super bien on est quasiment voisins, lui il vient de Vernon et moi d’Elbeuf, des petites villes à côté de Rouen, et on a le même climat quoi, la pluie, le mauvais temps, les nuages, le soleil une quarantaine de jours par an, ça marque un homme. Comme on dit on est un peu tous névrosés.

A : C’est vrai que je l’ai pas cité, mais à la limite c’est l’artiste avec qui ça collerait vraiment bien.

J-B : On en a parlé plusieurs fois de faire des morceaux ensembles. Après faut qu’on trouve le temps. Et après faut trouver le truc quoi. On a pas des thèmes visés quand on écrit, c’est un peu à l’instinct et à l’humeur, et là c’est un peu compliqué d’aligner un truc. Faire une chanson avec quelqu’un c’est pas rien. C’est un contrat à honorer au maximum.

Rouquin, Le Meilleur des mondes

AR : Et un des derniers thèmes que j’ai un peu identifié dans l’EP c’est la question de la dystopie, comme le titre l’évoque, ou même certains refrains, comme celui de Maux Monnaie. Tout ça c’est pour dire qu’on est foutu en fait ?

J-B : Ben le monde est ironique vraiment, tout est ironique aujourd’hui. Quand on dit « ça va », on sait pas vraiment si ça va tu vois. Les jeunes aujourd’hui quand ils disent « Ça va ? Au calme » mais est-ce qu’on sait ce que c’est que le calme ? Tout est relatif, c’est beaucoup d’ironie au fond. Le meilleur des mondes c’est complètement ça, ça part en vrille et c’est flippant. Moi de ma petite fenêtre j’essaie de raconter ce que je vois mais c’est pas facile putain, ça fait peur de se lever le matin… et de se coucher le soir, en se disant ben « il s’est rien passé ». J’aurai peur qu’il se passe rien, le monde est tellement fou… en même temps c’est une source d’inspiration. C’est très ambigu, c’est très ironique. Après y’en a beaucoup dans les textes je pense, comme tu disais dans le refrain de Maux Monnaie, ça fait « Maux monnaie maux monnaie », donc en fait « More monnaie more monnaie », plus d’argent plus d’argent, « entendez le marmonner ». Tout le monde veut plus d’argent. Moi ce que je vois c’est… tu vois l’homme peut crever de faim, l’homme peut aller dans l’espace, bientôt cloner l’espèce.

A : On peut tout faire quoi.

J-B : On peut faire des trucs incroyablement magnifiques, comme on peut faire des choses les plus monstrueuses qui existent. C’est là que y’a un contresens fou… Dans la vie de tous les jours même. Puis après on essaie de rebalancer ça sur de la musique. C’est pas facile mais j’espère quand même que certaines personnes vont prendre le temps de capter le truc.

AR : On l’espère aussi, vu le cœur que vous mettez dans votre musique. Vous voulez ajouter un petit mot pour la route ?

J-B et A : Ben merci Artichaut, merci à toi d’être passé c’est cool, ça fait plaisir. On est un petit groupe qui galère mais on a des ambitions.


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